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1 - Le mélange des genres (Les publics)

 

Flagrant délit de jeunisme
(octobre 2001)

Samedi dernier j'ai été pris en flagrant délit de jeunisme, et je viens m'en expliquer.

Déjà depuis quelque temps j'ai eu droit à quelques remarques perfides. Des habitués ont souligné que la clientèle " changeait ", un ami photographe a cru même percevoir dans ma façon de regarder les jeunes garçons une lueur de nostalgie révélatrice (du gâtisme qui me guette avec les années qui passent).

Samedi donc, je remplaçais en début de soirée Frédérick aux platines, histoire de le laisser discuter dans la salle et de ne pas totalement perdre la main (au moins pour le répertoire musette). Je vois débarquer, très tôt, vers 23 heures, trois jeunes garçons, vraiment jeunes, et disons-le franchement, très mignons. Ils s'installent près du bar et commencent à ricaner. Très vite, l'un d'entre eux vient me voir : " Vous ne passez rien d'autre ? C'est la chance aux chansons ici ? ". La remarque se veut insolente, mais sans méchanceté.

Ils ont de la chance, je suis de bonne humeur, et ils sont vraiment adorables. Au lieu de les envoyer promener et de les traiter de petits cons (je pourrais en être capable), j'entame le dialogue. J'abandonne les platines et je vais m'asseoir à leurs côtés.

Vous le savez, je reste un pédagogue. J'explique, le lieu, le mélange du public, le côté alternatif, les plaisirs de la danse à deux. J'invoque leur curiosité et promets que la suite du programme sera plus adaptée à leurs goûts. Je profite d'un Madison pour les mettre entre les mains d'habitués qui s'empressent de les guider sur la piste de danse. Très rapidement, ils s'intègrent, arborent un joli sourire et ne parlent plus de repartir.

Pour finir, ils passeront la nuit, dansant avec plaisir, se donnant volontiers en spectacle. L'un d'eux, hardi et flatteur, m'invitera pour un slow (je ne vous dis pas dans quel état j'étais !).

En fin de nuit, un pilier de bar à qui mon manège n'avait pas échappé, tenta de me déstabiliser en me demandant si j'aurais pu déployer autant d'efforts pour retenir d'autres parachutés, moins jeunes ou moins attirants ?

D'où mon interrogation d'aujourd'hui : ai-je été coupable de jeunisme ?

J'attends votre avis sur la question !


Les réponses :

1)

Cela dépend de la définition de jeunisme. D'après le Petit Robert (incroyable, ce mot existe vraiment !), c'est : 1) Discrimination envers les jeunes ou 2) Culte des valeurs liées à la jeunesse (beauté, performance, etc).

Dans 1), le mot "discrimination" est d'ailleurs ambigu, puisque le même ouvrage le définit comme "Le fait de séparer un groupe social d'un autre" -- en le traitant plus mal -- (1) est synonyme de distinction. Il y a donc une connotation d'injustice. Dans la définition 1) de "jeunisme", ont-ils voulu laisser entendre ce qu'on appelle une discrimination positive (ce terme n'est pas dans mon dico) ?

Si on examine 1), tu as adapté ton programme de chansons pour leur faire plaisir. Tu as donc réalisé une "discrimination positive" à leur égard. Est-ce une discrimination au sens classique (injustice) ? Oui seulement si cela a brimé d'autres habitués qui n'avaient pas envie d'entendre cette musique-là (tu es muet sur ces détails).

Dans 2), tout ce qu'on peut dire est que tu as manifesté un certain favoritisme vis-à-vis de mecs qui t'ont plu. Si plaire = être jeune pour toi, il n'y a que toi qui peux le savoir et cela devient une introspection très privée, mais à priori ce sont deux notions bien distinctes, par exemple pour moi. En tout cas, ce que montre ton histoire c'est qu'au-delà de ces questions angoissantes, tu as réussi à retenir trois personnes qui étaient peut-être tentées de partir ; la soirée leur a même plu et tu les as peut-être "convertis". Je ne vois rien à redire à cela, au contraire. Si tu trouves que le public a tendance à vieillir, tu as même été absolument dans ton rôle d'animateur !

Voilà mes deux sous de sagacité...
Bon courage,

Bruno


2)

Tu as été soumis à la tentation.
Il te sera beaucoup pardonné parce que tu as beaucoup pêché. Va en paix Hervé et fais ce qu'il te plait, en gardant tes principes communautaires bien ancrés.
-) Amicalement.

Pierre.


3)

Je pense que tu as bien fait "d'initier" ces jeunes aux danses à 2 et à l'ambiance "Boîte à Frissons". À ta place j'aurais fait la même chose et je n'aurais pas, non plus, refusé l'invitation au slow...

Daniel.


4)

Mon petit Hervé (ça n'a rien de bêtifiant ou "d'appropriant", juste affectueux), décidément, que j'aime tes questionnements, tes remises en question...

Alors pour répondre à ta question, sans doute as-tu fait un peu de jeunisme mais et alors ? D'abord, pourquoi ne pas se permettre aussi, comme pour d'autres choses, d'être sensible à la beauté, à la jeunesse, qui entretient peut-être aussi les nôtres et par la-même celles de ceux que l'on aime et/ou côtoie. Ensuite, tu as oeuvré une fois de plus pour la mixité de La Boîte à Frissons (qui portait en l'occurrence on ne peut mieux son nom, vu l'effet que t'ont fait ces garçons !). Ils étaient sceptiques et sont finalement restés toute la nuit, et reviendront sans doute, peut-être avec des amis.

Enfin, personnellement, je n'aime pas rester sur une incompréhension, surtout réciproque comme elle aurait pu l'être si tu les avais envoyés balader. Leur remarque un tantinet insolente était en fait positive. Je viens d'avoir 30 ans et m'estime encore évidemment jeune mais je vois la différence avec les jeunes de 20 ans souvent justement à cela. Ils disent ce qu'ils pensent, parfois avec impertinence ou un peu vertement, parfois avec l'assurance (ou celle qu'il veulent faire paraître) de leur 20 ans. Ce n'est souvent pas méchant, mais ça bouscule un peu et moi, j'aime bien être bousculé, dérangé...

Une dernière chose, j'ai failli venir samedi soir et exceptionnellement, j'ai préféré me coucher vers minuit ; j'ai manqué quelque chose... Je t'embrasse.

Alain.


5)

Je dirais oui et non à ta question.
D'abord, oui... car comme beaucoup de vieux (si tu me permets de t'appeler comme ça, c'est mon coté garce !), avoir l'attention des petits jeunes pour n'importe quel prétexte est agréable. Ça nous donne l'impression de ne pas être laissés pour compte... donc, on fera tout pour qu'ils restent nous parler... après tout, on ne sait jamais, hein ? Et c'est évident que tu n'en ferais pas autant pour quelqu'un qui ne serait pas aussi mignon. Mais la question se pose, donc, est-ce de jeunisme où simplement de "mignonisme"... Là, c'est encore plus désagréable comme faute, car même les jeunes se trouvent ignorés s'ils ne sont pas beaux. C'est du "lookism" et c'est encore plus blessant. tua culpa ? tua maxima culpa ? Lis la suite...

Et puis, non, car on sait bien que les gens plus âgés sont d'habitude plus indulgents avec les jeunes, vu leur âge et le manque de savoir faire/vivre. Même chez les animaux, les petits sont tolérés plus longtemps pour leurs bêtises avant de recevoir une claque.

Mais à mon avis, la vraie question est : qu'y avait-il dans ta tête quand tu leur parlais ? Est-ce vrai que le prof en toi faisait simplement un discours ? Est-ce peut-être le patron en toi qui voulait plaire aux clients ? Si c'était vraiment ça, tu es innocenté et voilà.

En revanche, si dans ton intérieur profond tu sais que c'était par intérêt d'espérer intéresser un des trois pour peut-être en tirer profit à la fin de la soirée (tu ne dis pas d'ailleurs comment tu avais terminé la soirée...), à ce moment là, tout le reste n'est que du bla-bla. Et en fait, tu n'as pas besoin de nous poser la question, car la réponse est bien en toi-même. C'était de la drague douce, où non ? Alors... avoues !


6)

Salut Hervé,
Non, pas de flag' de jeunisme !
Tu peux te faire plaisir, sans écrire une thèse de justification, me semble-t-il. Bises.

Frédérique.


7)

Vous le savez, " je reste un pédagogue ". Tu devrais avoir honte ! Tenter de cacher ton penchant libidineux sous la noble parure de la pédagogie... Mais la question posée est intéressante. Cela dit le jeunisme n'a pas d'âge : tu aurais eu 10 ans de moins tu aurais certainement fait la même chose. D'autre part, il n'y a pas de honte à aimer et courtiser le beau. La question est plutôt de savoir si tu tries sur le physique (et son pendant... l'âge) et si tu regardes de haut les plus âgés.
Et puisque ce n'est pas le cas, ne t'auto-flagelle pas trop : tu pourrais aimer ça !

Olivier


8)

Beau sujet.
Bien sûr tu nous décris une scène de jeunisme. La beauté et la grâce de ces garçons ont guidé ton comportement. Faut-il s'en offusquer ? C'est très bien que quelqu'un te l'ai fait remarquer.

Je poserai la question autrement : Quel accueil, quel dialogue as tu avec quelqu'un qui aurait un âge double ou triple ? Qui serait seul et triste ?

Il est légitime de se laisser guider par le désir et le plaisir. Mais quelle place pour le dialogue avec ceux que tu ne désires pas ? Et qui sont la majorité. Quelle place pour le quidam à l'imperméable gris ?

Nous ne sommes pas égaux et même ceux qui se battent pour plus d'égalité ne traitent pas leurs voisins de manière égale. L'égalité dans le domaine des relations humaines n'est pas possible. Dans la communauté gay, le mépris des vieux, des laids n'est il pas plus grand ou au moins plus visible que dans le reste de la société ? Vive la beauté physique. Mais quelle place pour les autres ?

J'aimerais bien savoir si d'autres personnes ont répondu à ton invitation à réfléchir au risque de jeunisme.

Robert


à suivre...